À la croisée des mondes numériques et testamentaires
Imaginez un monde où les trésors que vous avez patiemment accumulés ne pourraient être transmis à vos proches. Pas de coffre rempli de pièces d'or ni de bibliothèque croulant sous les manuscrits anciens. Non, je parle ici de vos trésors numériques, ceux que vous avez assemblés avec passion sur Steam. Des mondes où vous avez combattu, exploré, construit des empires… et pourtant, à votre dernière révérence, tout cela disparaît dans l'éther. Vos héritiers, devant l'écran noir de vos aventures éteintes, ne pourront que rêver à ce que fût votre épopée.
Les conditions d'utilisation de Steam, plus indéchiffrables que les énigmes de la sphinge, scellent le destin de notre bibliothèque virtuelle : une propriété non-transférable. À la découverte de cette réalité, nombre de joueurs ont ressenti cet émoi mêlé de tristesse et d'incrédulité. Avoir l'impression de posséder une œuvre d'art, pour finalement réaliser que l'on n'a jamais eu que son reflet éphémère, est une pilule difficile à avaler.
Quand le jeu devient héritage: Une question de perspective
Votre compte Steam, c'est un peu comme la cachette secrète que vous aviez enfant, remplie de petits trésors dont la valeur se mesure davantage en souvenirs qu'en monnaie sonnante et trébuchante. On peut y voir une analogie avec les premières collections de cartes ou de timbres. Sauf qu'ici, aucun héritier ne pourra se réjouir d'une telle découverte posthume dans le grenier familial. L'investissement, bien que conséquent, ne trouve pas d'écho dans la réalité tangible de la transmission de bien.
Certains pourraient dès lors se demander : que reste-t-il de nos empreintes numériques, de nos conquêtes et de nos échecs, si tout s'évanouit avec le dernier soupir de notre avatar ? C'est tout le drame de la dématérialisation : l'on acquiert, certes, mais l'on ne possède jamais vraiment. À l'heure où les lois se pensent et se repensent, où la mort numérique est encore une terra incognita, la question du devenir de nos avoirs virtuels reste, ironiquement, sans réponse concrète.
Et pourtant, il est temps de réfléchir à l'avenir de notre patrimoine numérique. Devons-nous accepter ces termes, nous battre pour les changer, ou simplement les contourner, à nos risques et périls ? Le débat est ouvert aux législateurs comme aux joueurs, tous acteurs de cette grande partie où la fin du jeu est encore à écrire.
Au fond, qu'est-ce que signifie vraiment "posséder" un bien numérique ? Dans cette arène où la ligne entre le virtuel et le réel s'efface graduellement, nous sommes les témoins, parfois désarmés, d'un nouveau monde qui se dessine. Un monde où nos bibliothèques Steam pourraient rester figées dans l'oubli, à moins que nous nous saisissions du stylo, prêts à réécrire les règles de l'héritage numérique. Il est peut-être temps d'intégrer de nouvelles mesures, des règles plus clémentes, qui épouseraient l'ère numérique florescente et permettraient, à nos histoires personnelles enregistrées dans des pixels, de survivre, au-delà de l'écran, au-delà de la vie.