Un écho qui s’estompe dans nos salles de classe
Il fut un temps où la langue de Goethe résonnait dans chaque recoin de nos lycées, tandis que celle de Molière trouvait écho dans les Gymnasiums outre-Rhin. Mais voilà, une berceuse mélancolique semble désormais bercer l'apprentissage du français en Allemagne et de l'allemand chez nous. Comme le sable glissant entre les doigts, les statistiques dépeignent un paysage on ne peut plus clair : ces langues sœur, jadis florissantes, menacent de n'être plus que des fleurs fanées dans le jardin de nos éducations nationales.
Je ne peux m'empêcher de tracer une analogie entre ces langues et ce qui semblerait être leurs jumelles astrales ; les étoiles d'une constellation qui s'affaiblissent pendant que l'éclat du grand astre anglo-saxon les éclipse. L'anglais, plus qu'une langue, est devenu un passeport universel, reléguant le français et l'allemand au rang de dialectes d'un autre âge. Et pourtant, d’un côté nous avons une langue aux racines latines, riche de Racine et de Voltaire, tandis que de l'autre, c'est une langue germanique, teintée du génie de Nietzsche et de Kafka, qui s'étiolent dans la brume de l'indifférence moderne.
Les ramifications culturelles d’une tendance préoccupante
Imaginons un monde où échanger autour d'une table en Alsace en allemand serait devenu aussi exotique que converser en araméen. Un monde où l'on ne lirait Kafka qu'en traduction, sans sentir le poids des mots dans leur manteau d'origine. Cela peut paraître dramatique, mais il s'agit là de l'image trouble que pourrait peindre l'avenir si le déclin actuel se poursuivait. Cette érosion linguistique n'est pas seulement un phénomène académique ; elle est l'ébauche d'un mur invisble qui se dresse entre cultures qui ont, pourtant, partagé tant d'histoire.
Il en va non seulement de notre patrimoine, mais également de ces ponts tissés par les mots, ces autoroutes de la pensée qui unissent les peuples. N'oublions pas qu'à chaque fois qu'un élève choisit d'apprendre l'allemand ou le français, c'est une fenêtre qui s'ouvre sur un paysage différent, c'est la promesse de dialogues futurs, de découvertes mutuelles et d'enrichissements sans fin. Pensez ainsi à une immense toile de Vermeer dont chaque coup de pinceau serait un échange linguistique ; sans ces multiples touches, l'œuvre perdrait de sa richesse, de sa profondeur. Ainsi, se priver de ces deux langues revient à restreindre la palette de couleurs à notre disposition.
En définitive, c’est un appel du cœur que je lance à travers ces lignes. Ce n’est pas uniquement pour l’intellect que nous devrions nous soucier de cet assoupissement du français en Allemagne et de l’allemand en France, c’est pour l’essence même de notre tissu culturel européen. Laissons-nous emporter par l’enthousiasme des défis linguistiques et non par la vague de l’uniformité. N’enterrons pas notre trésor linguistique bicéphale sous les sables du temps, mais redonnons-lui au contraire, le souffle de vie qu’il mérite.