Réévaluer nos priorités économiques
Imaginez une société où l'obsession de la croissance économique cède la place à une quête plus noble : celle du bien-être collectif et de l'équité. C'est ce que propose Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l'ONU sur l'extrême pauvreté et les droits humains. Dans son rapport marquant, il s'élève contre l'idée reçue selon laquelle une croissance perpétuelle est indispensable pour éradiquer la pauvreté.
Les limites d'une croissance sans fin
Il est temps d'ouvrir les yeux : la croissance économique des pays dits riches a atteint un plateau. Pour beaucoup, cette image de prospérité cache en réalité une persistance de la pauvreté et une montée des inégalités. Considérez la situation d'un enfant qui reçoit une bouteille d'eau dans un désert : la valeur de cette eau est infiniment précieuse, mais si cet enfant ne peut y accéder qu'à travers des croissances successives de quatre pour cent par an, combien de temps devra-t-il attendre avant de se désaltérer ?
Selon Olivier de Schutter, la croissance ne garantit pas automatiquement une réduction de la pauvreté. Au contraire, elle peut parfois masquer des inégalités croissantes, avec des richesses amassées par une poignée d'individus tandis que les plus vulnérables restent sur la touche. Une société ne peut prospérer véritablement que si ses richesses sont équitablement réparties, et cela nécessite une refonte de notre modèle économique.
L'impact environnemental de notre quête effrénée
Outre les questions d'inégalité, la course à la croissance a des impacts dévastateurs sur notre planète. Pensez à la Terre comme à un verger luxuriant : si nous continuons à cueillir ses fruits sans lui donner le temps de se régénérer, bientôt, il ne restera plus rien à récolter. Notre dépendance aux énergies fossiles et notre exploitation frénétique des ressources naturelles engendrent des crises environnementales et climatiques dont les conséquences se font déjà sentir.
Schutter place également un accent particulier sur le lien entre environnement et pauvreté. Les populations les plus défavorisées sont souvent celles qui souffrent le plus des crises écologiques. Prenons l'exemple des agriculteurs de petite échelle dans les pays en développement : une sécheresse prolongée ou des inondations violentes dues au changement climatique peuvent anéantir leurs moyens de subsistance en un clin d'œil. Pour Schutter, il est impératif d'adopter des modèles économiques qui placent en priorité la durabilité écologique et le bien-être des citoyens.
Vers une économie post-croissance
Que signifie donc ce concept de postcroissance ? C'est une approche où la réussite d'une société ne se mesure plus uniquement par l'accroissement du PIB, mais par le niveau de bien-être de ses habitants et le respect des limites écologiques. Plutôt que de nous concentrer désespérément sur "plus", nous privilégierions "mieux" : mieux vivre, mieux répartir les richesses, mieux prendre soin de notre planète.
Olivier de Schutter propose, entre autres, de mettre en place des politiques de redistribution équitable des ressources. Cela pourrait se traduire par des systèmes de protection sociale plus robustes, des investissements dans l'éducation et des infrastructures durables, ou encore des législations qui favorisent l'équité salariale. Il s'agit d'un défi de taille, certes, mais un défi nécessaire pour construire une société plus juste et durable.
L'approche de Schutter nous invite à une profonde réflexion collective. Les mots tels que PIB, croissance et rendement sont des indicateurs froids et dénués de l'âme humaine. Il est temps de replacer l'humain au cœur de nos préoccupations économiques. Demander à une société de croître sans fin c'est comme demander à un arbre de toucher les étoiles – il finira par se briser sous son propre poids.
En retournant aux fondamentaux et en adoptant des stratégies basées sur la postcroissance, nous pouvons non seulement combattre la pauvreté, mais aussi construire un avenir où chacun a une place et un rôle à jouer, tout en préservant notre précieuse planète pour les générations à venir.