Les enseignants et chefs d’établissement entre lassitude et exaspération
Une instabilité chronique dans l’éducation
Imaginez un artisan qui tente de bâtir une cathédrale. Chaque jour, on lui demande de changer les plans, de démonter les murs qu'il vient de monter, de redessiner les vitraux déjà installés. Cette image illustre parfaitement le quotidien des enseignants et chefs d’établissement en France, ballottés au gré des réformes ministérielles. Ils se retrouvent dans une dynamique où « faire et défaire » devient la norme, au détriment de la stabilité nécessaire pour bâtir des fondations solides.
**Les réformes successives, souvent contradictoires, plongent les professionnels de l’éducation dans une spirale d’incertitude. Très souvent, ils doivent rapidement s’adapter à de nouvelles directives, mettant de côté ce qu'ils ont appris et mis en place au fil des années. Chaque ministre de l'Éducation apporte son lot de modifications, parfois sans concertation avec le terrain, accentuant un sentiment de frustration et de lassitude. La démotivation s’installe, non pas par manque de passion pour l'enseignement, mais par épuisement dû à cette instabilité chronique.
Le philosophe français Henri Bergson disait que "le temps s'écoule, et l'on ne peut ni l'accélérer ni le faire reculer". Ce constat est tragiquement vrai pour les enseignants qui perdent un temps précieux à jongler entre des réformes superposées, sans jamais voir les fruits de leur travail.
Un impact tangible sur la qualité de l’enseignement
Cette instabilité institutionnelle ne se contente pas de fragiliser les professionnels de l'éducation. Elle a des répercussions directes sur la qualité de l'enseignement dispensé aux élèves. Les directeurs d’établissement dépensent une énergie considérable à s'assurer que leurs équipes sont à jour et conformes aux nouvelles directives. Ce foisonnement administratif et pédagogique entraîne une perte de temps et détourne les enseignants de leur mission première: l'éducation des élèves.
Prenons l'exemple de l’utilisation des outils numériques en classe. Les enseignants ont dû s'adapter rapidement aux nouvelles technologies pendant la période de la pandémie. Ils ont investi du temps pour maîtriser des plateformes de cours en ligne et intégrer des outils interactifs dans leurs pratiques. Pourtant, avec les réformes successives, certaines de ces innovations sont rapidement devenues obsolètes, ou ont été remplacées par d'autres exigences technologiques. Cet effet de « stop-and-go » ne crée que de la confusion chez les élèves et un sentiment d'inachèvement chez les enseignants.
Il est crucial de comprendre que la cohérence pédagogique et la stabilité institutionnelle sont les moteurs d’une éducation de qualité. Si l’enseignement se trouve constamment redéfinir sa feuille de route, comment les élèves peuvent-ils bénéficier d’une progression linéaire et structurée de leurs apprentissages ? La réponse est simple: ils ne le peuvent pas.
L’appel à la stabilité
Face à cette situation, un appel se fait entendre de plus en plus fort parmi les enseignants et les chefs d’établissement : celui de la stabilité. Pour ces professionnels, la constance dans les politiques éducatives est essentielle pour permettre d’élaborer des projets à long terme sans craindre de devoir tout recommencer.
Catherine, principale d'un collège en Bretagne depuis 15 ans, résume bien cette aspiration : « Nous avons besoin de directives claires et pérennes, qui prennent en compte la réalité du terrain. Trop souvent, des décisions sont prises sans concertation, et nous devons naviguer à vue. ». Ce témoignage poignant illustre le dilemme auquel sont confrontés de nombreux établissements : comment assurer une qualité d’enseignement optimale avec des règles du jeu qui changent constamment ?
En sport, imaginez jouer au foot avec des règles qui changent tous les quarts d'heure. Un mélange d'ambiguïté et de confusion en découlerait, frustrant joueurs et spectateurs. L'éducation mérite mieux. Les enfants, qui sont l'avenir de notre société, méritent une éducation stable et cohérente, animée par des enseignants motivés et non épuisés par des changements incessants.
En conclusion, la stabilité et la cohérence sont indispensables pour garantir une éducation de qualité. Sans elles, les enseignants et les chefs d’établissement continueront de s’épuiser, passant leur temps à « faire et défaire » au gré des changements ministériels. Les répercussions de cette instabilité sont immenses, affectant non seulement le moral des professionnels de l’éducation mais également la qualité de l’enseignement offert à nos enfants. Il est temps d’écouter cet appel à la stabilité pour construire un avenir éducatif plus sûr et plus serein.